Les trichinoscopes sont des microscopes
spécialisés quoique peu sophistiqués. De conception robuste, ils
étaient destinés à être transportés et utilisés sur le "terrain", en
l'occurrence chez les bouchers, charcutiers, grossistes en viande,
éleveurs, etc. Des inspecteurs de l'hygiène alimentaire s'en servaient pour détecter dans la viande [ de porc, principalement ] la présence de Trichinella. C'est l'agent de la trichinose, maladie qui, transmise à l'homme, peut avoir des complications graves si elle n'est pas soignée...

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Parfois
le coffret du microscope fait office de pied. Un fort pouvoir grossissant
n'étant pas nécessaire, ces instruments sont simplement équipés d'un diaphragme
d'ouverture, sans condenseur. Pour permettre un rangement compact, la platine
est en général démontable car elle est largement dimensionnée.
Et pour cause : la traditionnelle lame porte-objet, grosse d'à peu près un millimètre,
et la toute mince lamelle couvre-objet d'épaisseur normalisée 0,17 mm [
0,18 mm pour certains fabricants dont Meopta ] sont ici remplacées par
deux massives plaques de verre munies de vis de serrage... si bien qu'une fine
tranche de jambon peut être écrasée entre les deux après avoir été
rapidement colorée. L'observation en éclairage par transparence est ainsi possible sans préparation minutieuse.
L'optique d'un trichinoscope est adaptée à cet emploi particulier
: un objectif généralement composé [ diverses formules selon les
fabricants ], combiné avec un oculaire ordinaire [ 8~10x environ ],
permet de passer facilement d'un grossissement final de l'ordre de 50x
à plus ou moins 100x, ce qui suffit pour repérer une infection par Trichinella. |
Voilà
un parasite dont l'existence ne date pas d'hier. Ötzi, le chasseur
préhistorique retrouvé momifié dans les Alpes, avait des larves de Trichinella
dans l’estomac... En 1835, Richard Owen et James Paget ont découvert
dans le tissu musculaire d'un cadavre humain le parasite sous sa forme
la forme enkystée. Ils l'ont nommé Trichina.
Ensuite, entre 1855 et 1860, le cycle du parasite a été décrit, entre
autres par Virchow. Un rapport fut établi avec la consommation de
viande de porc insuffisamment cuite. De
nombreuses épidémies eurent lieu au XIXe siècle et Virchow encouragea
la mise en place de mesures officielles dont un dépistage systématique.
Nombre de fabricants – allemands surtout – se mirent alors à produire
des microscopes spécialement adaptés. Depuis, cette question de santé
publique fait toujours l'objet d'une grande attention mais
l'organisation des contrôles et les techniques mises en œuvre ont bien
sûr évolué.
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Extrait de Crime et châtiment, Dostoïevski, 1866 :
[ trad. par Doussia Ergaz et Vladimir Pozner / Folio classique n°2661,
éd. Gallimard ]
Des trichines
microscopiques, d'une espèce inconnue jusque-là, s'introduisaient dans
l'organisme humain. Mais ces corpuscules étaient des esprits doués
d'intelligence et de volonté. Les individus qui en étaient infectés
devenaient à l'instant même déséquilibrés et fous. Toutefois, chose
étrange, jamais les hommes ne s'étaient crus aussi sages, aussi sûrs de
posséder la vérité.
[ trad. par Jean Chuzeville / Les Classiques russes, éd. Gallimard ]
... parasites d'une espèce nouvelle,
des êtres microscopiques avaient fait leur apparition, élisant domicile
dans le corps des gens. Mais ces animalcules étaient des esprits doués
d'intelligence et de volonté. Les individus qui en étaient affectés
devenaient fous furieux à l'instant. Mais jamais, jamais les hommes ne
s'étaient crus aussi en possession de la vérité que ne croyaient l'être
ces affligés.
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C'est l'occasion aussi de présenter un ancien livre de microscopie appartenant à notre bibliothèque... un "classique" :
Le Microscope, Emploi et Applications, d'Eugène Séguy ; en deux tomes, les volumes XXXIII et XXXIV de l'Encyclopédie Pratique du Naturaliste, aux éditions P. Lechevalier, Paris.
La planche reproduite ci-dessous [
format original = 11,3 cm x 15,5 cm ] figure dans le tome I réédité en
1951. [ 1ère éd. en 1942, tandis que le volumineux tome II est paru en
1949. ]
Quel microscopiste amateur, il y a
quelques décennies, n'avait pas à portée de main cet ouvrage
abondamment documenté ? Il s'agit de deux petits livres [ 12 cm x 16
cm ], épais, à couverture rigide toilée. Au total plus d'un millier de
pages avec de nombreuses illustrations dans le texte et quelque 200
planches en couleurs ou noir et blanc. Ce fut une référence en son
temps et peut encore l'être à bien des égards, même si la présentation
paraît aujourd'hui désuette, si les instruments décrits ont été
relégués au rang de pièces de musée par les progrès techniques
accomplis en un demi-siècle et si quelques considérations d'ordre
biologique sont elles aussi dépassées. Car on y trouve à profusion des
sujets d'observation, rigoureusement décrits, ainsi que l'explication
détaillée, assortie de conseils pratiques, de méthodes et de techniques
telles le fond noir, l'éclairage selon Rheinberg, la polarisation, la
stéréoscopie... La fluorescence est juste évoquée, en quelques
paragraphes, dans le deuxième tome. De même le contraste de phase. Normal : on est à la fin des années '40.
En 1954, le même auteur a publié un traité de microscopie destiné, cette fois, aux débutants : Initiation à la microscopie,
aux éditions N. Boubée, Paris. 240 pages vouées au succès. La
cinquième édition date de 1987. [ La troisième édition, en 1970, se
vendait 230 francs belges. ;o) ]
Du même style, Ce qu'on peut voir avec un petit microscope, de Henri Coupin, apparu en 1897, était encore publié, mis à jour et complété par des éléments de photomicrographie [ de Fernand Obaton ], en 1977 !
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