![]() |
Invitation au voyage |
Il ne me paraît pas juste de dire que le microscope rend visible ce qui, trop petit, est invisible à l'œil nu. Ce qu'on a devant les yeux, dans la lumière, n'est pas « invisible » : on le voit... mais on en ignore les détails ; l'incapacité est plus profonde. Amplifiées, des structures qui nous sont familières deviennent extraordinaires. L'eau de l'étang, la peau, un muscle, un foie, un rein à la cuisine, un brin d'herbe, le cœur d'une fleur, une moisissure,... il est peu probable qu'on reste indifférent à ces spectacles. Qu'il s'agisse d'émerveillement suscité par de minuscules beautés naturelles, de curiosité aiguisée par des agencements complexes à l'échelle micrométrique, par l'activité intracellulaire, ou d'étonnement, voire de frayeur, face à des êtres étranges, ces sentiments s'imposent en refoulant un subtil émoi : la conscience troublante que nous ne percevons pas le monde tel qu'il est. Les révélations du microscope nous confrontent peut-être à notre irrémédiable ignorance. "Die Angst" de Heidegger n'est pas loin... |
![]() |
* Dix années d'exil Mémoires de Anne-Louise Germaine de Staël ( 1766~1817 ), écrivaine et philosophe française. Ouvrage posthume publié en 1818. [ Extrait tiré de l'édition de 1845, chez Charpentier, Paris. ]
|