Des jouets,
mais encore...



Provisoirement, cet aperçu général
et quelques microscopes détaillés  

Deux des petites vitrines sont manifestement consacrées à des jouets destinés à des enfants jeunes et même très jeunes. Les prétentions sont diverses, certains objets extrêmement simples étant peut-être moins sots qu'on peut le penser a priori...
On aimerait que ces microscopes soient présentés avec leurs performances réelles. Pourtant, il y a parfois tromperie, subtil mensonge. Par exemple, quand un grandissement linéaire de 1200 x est annoncé pour un instrument en plastique, aux optiques évidemment rudimentaires, sans condenseur, sans objectif à immersion,... une conclusion s'impose, la seule possible : à supposer qu'une telle performance soit atteinte en chiffres – ce qui est peu probable – il ne peut alors s'agir que de grandissement à vide, la résolution ne dépassant pas celle qu'on est en droit d'espérer d'un grandissement final de quelques petites dizaines de fois.
Et malheureusement, des images aussi floues, aussi pauvres, offertes aux yeux des enfants risquent de dissuader ceux-ci davantage que les passionner. De plus, ce sont souvent des ensembles qui sont proposés, contenant quelques lames et lamelles, des colorants, voire même un milieu de montage. Or les manipulations préparatoires, elles aussi, deviennent vite décourageantes si elles n'aboutissent pas à des observations gratifiantes.



À part cela, il est intéressant de constater que la fabrication des bons jouets pose des problèmes fondamentaux analogues à ceux qui président à la réalisation des "vrais" microscopes. La stabilité, l'ergonomie, une éventuelle modularité, la possibilité de mettre au point, celle de faire varier le grossissement, et l'éclairage, bien sûr. Des filtres colorés sont aussi proposés... mais j'ai la faiblesse de croire que cela amuse plus les enfants que ça leur permet d'augmenter les contrastes. Peu importe, si c'est motivant !  Pour peu que l'intérêt se confirme, les déductions s'affineront.
Certains de ces jouets, produits par de grandes enseignes de l'optique internationale [ ROW, Bausch & Lomb,... ], ont une conception originale ; par ailleurs, quelques imitations maladroites de "grands" instruments célèbres sont assez amusantes.



La troisième vitrine de cette lignée sème un petit trouble dans les esprits :
faut-il parler de "jouets" à propos de ces instruments ingénieux, usinés avec précision dans des matières nobles, sophistiqués certains ?
Eh bien oui, malgré tout. Et pour cause... Avec, toutefois, une exception, comme cela apparaîtra plus loin.



Déjà leurs dimensions, en général, n'augurent pas une stabilité suffisante pour observer en finesse. Autre signe : ces microscopes du XXe siècle ne sont pas aux normes RMS. Et pour ce qui est de l'ingéniosité, elle s'exprime parfois de façon étonnante :
> Plutôt amusant le Eikow, avec ses changeurs d'objectifs et d'oculaires en éventail.
> Le HOC n'est pas en reste. La formule adoptée là, pour permettre un changement facile d'oculaire, vise-t-elle à donner un p'tit air savant de binoculaire ? À noter l'éclairage électrique intégré ; fort modeste, certes, mais présent.
> L'Iveco, lui, a un statif dont la conception rappelle celle des microscopes modernes : visée oblique avec platine horizontale, dispositifs de mise au point rapide et fine ! Livré avec des oculaires 10x et 20x, ses prétentions laissent quand même perplexe. Les ouvertures numériques, qui ne sont pas spécifiées, sont sans doute inférieures à celles des objectifs de "vrais" microscopes. Et pour ce qui est de l'achromatisme, je reconnais ne pas l'avoir vérifié mais d'emblée, j'ai des doutes... Alors, quelle que soit la qualité de fabrication [ à mettre en rapport avec le coût de production d'un jouet ], j'imagine mal que l'objectif 60x associé à l'oculaire 20x donne autre chose que du grossissement à vide.

Une grande variété de tels microscopes, jouets qui se veulent éducatifs, s'est répandue sur le marché dans les années '50~'60. En marge des intérêts commerciaux, de bonnes intentions se sont parfois concrétisées en des réalisations très modestes mais "honnêtes" ; plus souvent, hélas, le produit n'était guère sérieux. Et l'avènement du plastique n'allait pas nécessairement améliorer les choses. Aujourd'hui encore, bien que les progrès accumulés dans le domaine des matières synthétiques autorisent la conception et la fabrication d'instruments d'optique fantastiques, des microscopes clinquants mais d'une qualité déplorable garnissent les rayons des magasins de jouets... à côté, il est vrai de modèles bien pensés.

Des anciens remarquables :
> Le Sades, par sa taille, sa tourelle à 4 objectifs [ presque parafocaux ! ], ses 3 oculaires interchangeables [ 5x, 10x, 15x ] et par la qualité d'ensemble de sa construction, se rapproche d'un modèle classique.
> Et l'Olympus MIC mérite l'attention à divers égards. Il se distingue avant tout par la qualité de l'image qu'il offre. Explicitement destiné aux enfants pour un usage domestique, il est accompagné d'un livret de 18 pages qui commence par une interpellante « note aux parents »...

Enfin, visible dans cette vitrine, une paire de quasi jumeaux, tous deux munis d'une platine qui s'incline très progressivement grâce à une vis, pour permettre une mise au point fine.
Ce concept pour le moins étonnant a été adopté pour la réalisation de divers microscopes anciens et plus récents.  Simple, efficace, oui... Mais seulement jusqu'à un niveau d'exigence relativement bas. Sans doute est-ce devenu inconciliable avec les optiques modernes offrant une grande planéité de champ, si longtemps souhaitée*, tant appréciée depuis qu'on en bénéficie. Corrompre la perpendicularité de la préparation par rapport à l'axe optique paraît bien absurde.
* Alors que l'immersion homogène et l'apochromatisme ont été finalement mis au point par Ernst Abbe, en 1877 et 1886,   permettant aux « micrographes » [ microscopistes ] d'atteindre, dès le dernier quart du XIXe siècle, un pouvoir de résolution proche de la limite théorique, ce n'est qu'en 1938 que sont apparus les premiers objectifs planachromatiques et planapochromatiques.
> De ces deux petits microscopes, le vert s'est vendu en tant que jouet sous différentes marques, dont HF.
> L'autre, par contre, porte sur le côté de son pied en fer à cheval l'indication Schwarzkopf, une marque de produits capillaires. D'après la notice de 12 pages A5 en allemand [ non exposée ] qui l'accompagne, c'est un "modèle B" puisqu'il dispose d'une mise au point rapide par bouton et crémaillère, le "modèle A" étant décrit avec un simple tube coulissant. Je ne pense pas que cela se voulait un jouet, offert en guise de cadeau promotionnel, par exemple. En effet, dans ladite notice se trouve une documentation détaillée sur les composants du microscope, un peu de théorie optique et des explications quant à différentes manières de préparer un cheveu en vue de son observation au microscope [ montage temporaire dans la glycérine, montage définitif dans le baume du Canada ]... tandis qu'aucune autre observation n'est suggérée. S'ajoute à l'ensemble un numéro de la revue Das Haar consacré à l'étude microscopique du cheveu et des dommages qu'il peut subir. C'est daté de 1935.
Tout ceci laisse supposer que cet instrument était destiné aux délégués de la marque Schwarzkopf et aux professionnels de la coiffure. Ses performances modestes [ grandissements de 60x, 120x, maximum 220x ] sont justifiés dans les brèves notes théoriques de la brochure, et dans ces limites, la qualité répond aux attentes. Prestige de la marque oblige.
À noter que les montages sont préconisés entre deux lames "porte-objet"... ce qui s'avère pratique et que l'on peut considérer comme raisonnable dans la plage des grandissements prévus.

Quant au système simpliste de mise au point fine, dans ce cas spécifique, pour peu que l'on dispose le cheveu à observer parallèlement à l'axe de basculement de la platine, l'inconvénient est pratiquement nul.  ;o)