Un peu de mystère...




Enquêtez donc, si vous aimez !  *

L'histoire des débuts de la microscopie en contraste de phase paraît quelque peu confuse. L'enjeu d'un grand prestige n'y est sans doute pas pour rien.
Que Frits Zernike soit l'inventeur du procédé ne fait pas de doute ; il en fut d'ailleurs récompensé par le prix Nobel de physique, en 1953.
Alors que Abbe était arrivé à ses conclusions décisives en s'intéressant aux objets microscopiques optiquement absorbants, Zernike lui s'est intéressé aux objets transparents et au déphasage de la lumière.
Il aurait, semble-t-il mené ses recherches au début des années 1930, dans les structures de la firme lancée par Caroline Emilie [ alias Lili ] Bleeker, future Nedoptifa [ Nederlandse Optiek- en Instrumentenfabriek ], avant d'en soumettre le résultat chez Carl Zeiss.
Alors, où le tout premier microscope à contraste de phase fut-il construit ?  Chez Bleeker dont la réputation est plutôt discrète, comme affirmé dans certains articles, ou chez Zeiss ?  Dans les annales de la très renommée firme, la photo ci-dessus est décrite comme étant celle du prototype que d'aucuns datent de 1936... Le statif "L" en est la base. L'agencement des anneaux de déphasage est particulier – pour permettre des mises au point techniques, paraît-il. Par ailleurs, s'est-on, dans un premier temps, montré dédaigneux chez Zeiss, et l'intérêt n'a-t-il grandi qu'à la faveur de la seconde guerre mondiale, comme le racontent certains auteurs ?  Les avis divergent.
Un élément de certitude, en revanche, est le film historique produit par l'IWF [ Institut für den Wissenschaftlichen Film ] et réalisé en 1943, à Göttingen, par le Dr Kurt Michel :  il s'agit de prises de vues en contraste de phase qui montrent, en accéléré, la méiose intervenant dans la spermatogenèse chez Psophus stridulus [ Linnaeus, 1758 \ Arthropoda, Hexapoda, Orthoptera, Acrididea \ – autrement dit l'Œdipode stridulante, une espèce de criquet ].  

  *  Attention, les pistes sont parfois brouillées.
Par exemple :  en septembre 2017 [ depuis qaund ? ], une photo apparaît à plusieurs endroits sur le net, mise à disposition notamment par www.flickr.com, commons.wikimedia.org et www.everystockphoto.com, sous le même intitulé « 1943 Device for micro-cinematography- under the direction of Kurt Michel, the first film on cell division is produced in a Zeiss laboratory with the aid of a phase-contrast microscope ». Source annoncée :  les archives Zeiss. On y reconnaît le Dr Kurt Michel. Il a dans les mains un tambour qui est un conteneur de pellicule sensible. Devant lui, un microscope Zeiss équipé d'un condenseur pour contraste de phase. Jusque là, tout semble donc cohérent. Par contre, le microscope est sans aucun doute un FoMi et le tambour, qui en est un constituant amovible, interchangeable, est destiné à contenir une cartouche "35 mm" pour produire jusqu'à 36 images de 24x36 mm². Imaginer une version spéciale dont la fenêtre et le mécanisme d'avancement correspondraient au format "18x24" n'est pas délirant. [ De nombreux appareils photographiques d'un pareil type ont été commercialisés. Entre autres : dans les années 1950, le modéle "72" de Leica, rare et aujourd'hui recherché par les collectionneurs, puis dans la décennie suivante, plus communs, la gamme des "Pen" de Olympus, les "Demi" de Canon, divers Fuji... ] L'orientation et le format des images seraient alors conformes au film. Seulement voilà... 1500 images environ – de préférence 3000, même – sont nécessaires aux deux minutes que dure rien que la première partie du documentaire [ montrant la prophase ]. C'est-à-dire une 20aine de bobines au minimum, plutôt 40. Sans compter la lourdeur des manipulations que cela impliquerait à la prise de vues [ changements de bobine ] et pour le développement. Voilà qui ne paraît plus guère envisageable. Des renseignements pourraient être obtenus chez Zeiss... Mais est-ce bien utile ?  Le FoMi n'existe que depuis 1955 !  ;o)
Et pourtant...
dans l'historique de la microscopie, sur le site web de la firme ! [ septembre 2017 ], une phrase est consacrée au film de 1943. Elle est illustrée par une autre photo de Kurt Michel, datée de 1969. On l'y voit de nouveau – manifestement plus âgé – assis devant un FoMi, bien logiquement d'un modèle plus récent que sur la photo ancienne. Et même là, on retrouve la légende qui induit en erreur, en allemand [ Im "Mikro"-Laboratorium entsteht unter Leitung von Kurt Michel der erste Zellteilungsfilm mit Hilfe eines Phasenkontrastmikroskops. ] et anglais dans les pages de la version internationale !
Pourquoi une telle confusion ?  Parce que Kurt Michel a bien dirigé la réalisation du film mythique et il fut aussi, plus tard, le promoteur de la nouvelle lignée de microscopes Zeiss dans laquelle s'inscrit le FoMi, dont il a de bonnes raisons de se montrer fier sur la photo. Élémentaire, mon cher... Watson ?!  ;o)

Il paraît clair que la diffusion commerciale de microscopes à contraste de phase a débuté sous la marque Zeiss dans le proche après-guerre et qu'aussitôt toutes les grandes marques emboîtèrent le pas. Au Japon, ce fut d'abord Tiyoda, en 1949... Pas étonnant, en raison de la collaboration rendue obligatoire pendant le conflit.  

Dans la vitrine n°2, au Solbosch, est exposé un microscope type "tube droit" fabriqué par Winkel-Zeiss à Göttingen, vers 1945 d'après son numéro de série. Il est complété par un dispositif à contraste de phase Zeiss Winkel [ !* ] qui doit, lui, dater de la première moitié des années '50, relativement tôt au début de la commercialisation de ce système.
[ * La succession des dénominations et logos du groupe Zeiss au fil du XXe siècle est un peu compliquée... ]