1er triptyque - vitrine n°2
 

Carl Zeiss Jena       Stativ Ic


[ 2.1.1. Microscope exposé : n°39671, vers 1905~1910 ]
Surnommé, respectivement par les anglophones et germanophones, « Jug Handle » ou « Bierseidel Mikroskop » à cause de sa poignée qui évoque une chope à bière, le statif "I" fut décliné en plusieurs versions différant, entre autres, par la platine...
Cette famille se distingue du statif "III" de la même génération par son tube large, adapté à la projection et la photographie. Dans les premiers temps de la production, le tube extérieur * a été fabriqué en aluminium, par souci d'allègement pour les situations de prise de vues photographiques. [ * Un tube intérieur coulissant permet de faire varier la longueur de l'ensemble... ]
La variante "Ic" possède une platine particulière, avec deux mouvements croisés dont un est linéaire et l'autre en arc, limités en étendue et fort démultipliés. Le fabricant argumentait que la lenteur de mouvement qui en résulte est avantageuse pour les séances de projection ; le déplacement circulaire doit, lui, permettre d'ajuster l'orientation du sujet dans le champ photographié.
La comparaison de catalogues successifs des microscopes et leurs accessoires Zeiss révèle qu'une certaine confusion est apparue dans la désignation – qui fut abandonnée par la suite – des divers modèles par des numéros. Ainsi, le "III" évoqué plus haut est-il le descendant d'un plus ancien "I"...
C'est un nouveau système de mise au point fine qui différencie principalement les cousins "I" et "III" de leurs prédécesseurs. Conçu par Max Berger en 1898, il assure plus de précision tout en supportant mieux l'excès de charge qu'implique un dispositif photographique, et son agencement a eu pour conséquence indirecte le design de la poignée qui permet de soulever le microscope sans que le poids élevé de sa partie inférieure soit une souffrance pour le délicat mécanisme.
Le statif "I" nouvelle génération, apparu en 1898 et commercialisé pendant une 30aine d'années, constitue un jalon célèbre dans l'évolution de la gamme Zeiss. Il a conquis de nombreux savants de son temps. Pour n'en citer que quelques uns :




Ici, devant Jules Bordet, en 1920,
un statif Ic équipé d'une tourelle à l'ancienne, en trèfle,
et d'une platine avec mouvements croisés "normale" :















Autre portrait de Jules Bordet,
avec un microscope semblable,
peint par Jacques Madyol en 1921.

[ Source :  revue Chanteclair n°244, 1928. ]



                             [ Photo Mario Arend, 2006 ]
À l'issue de ses études de médecine, Aloïs Alzheimer ( 1864~1915 ) obtient un poste dans l'asile d'aliénés et d'épileptiques de la ville de Frankfurt am Main. Le Dr Franz Nissl y arrive bientôt...
[ Une coloration histologique inventée par celui-ci favorise la mise en évidence des corps de Nissl dans le tissu nerveux. ]

Alzheimer s'intéresse particulièrement au cas d'une patiente hospitalisée, Mme Auguste D., 51 ans, qui présente des symptômes comportementaux bizarres. Il va la suivre au fil de cinq années. En ces temps où se développe la psychanalyse, Alzheimer envisage, lui, que des affections cérébrales peuvent être la cause de maladies mentales. Mme D. s'éteint en 1906 et Alzheimer entreprend aussitôt d'étudier son cerveau dans le laboratoire d'Emil Kraepelin, à Munich, où il poursuit des recherches. Il présente ses résultats l'année-même, lors de la 37ème Conférence des psychiatres allemands, à Tübingen, et les publie en 1907.
Cet apport, pourtant historique, ne suscite pas immédiatement un grand intérêt. Alzheimer s'occupe ensuite d'un patient qui décède en 1910 et à nouveau, il en analyse de cerveau.
Cette année-là, Kraepelin mentionne la maladie décrite précédemment par Alzheimer et lui donne ce nom.
En 1911, Alzheimer confirme ses découvertes en présentant son deuxième cas.
Plus de 250 préparations microscopiques avaient fait l'objet de l'étude en 1906 et environ 150 en 1910.

Plus tard, les conclusions d'Alzheimer ont été mises en doute par des neurologues qui considéraient la probabilité d'une autre pathologie.
Retrouvées à l'université de Munich en 1992 et 1997, les quelque 400 préparations ont fait l'objet d'une nouvelle étude à l'aide de technologies modernes, mettant fin à la controverse :  les indices caractéristiques de la "maladie d'Alzheimer" y sont bien visibles...
Dans ses notes datées de 1892 et 1897, Alzheimer mentionnait déjà l'utilisation d'objectifs de microscope Zeiss :
"A" [ = 8x ],  "DD" [ = 40x à la fluorine ]  et  "Homog. Immersion 1.3" [ = 1/12 ].

Il se serait par la suite équipé du nouveau statif « Bierseidel ».

Au risque de me tromper, je pense que la tourelle de l'exemplaire exposé est d'un modèle plus récent que celle qui équipait probablement le statif au départ. L'explication pourrait se trouver dans le besoin d'une adaptation spéciale. En effet...
L'instrument exposé a vécu des aventures rocambolesques qui expliquent le "barbouillage" du tube dissimulant la marque et le numéro de série. [ Un éclat dans la peinture laisse apparaître l'aluminium dont est constitué le tube. Les indications camouflées sont lisibles sous éclairage frisant. ] Je préciserai seulement qu'il vient d'un hôpital aux Pays-Bas où il était utilisé dans le laboratoire de neurologie.
Une autre caractéristique intéressante est la présence d'un objectif photographique [ Meyer Goerlitz, cfr ci-dessous ], destiné probablement à des prises de vues en champ large / à faible grossissement, ce qui – je pense – est un besoin assez typique dans les travaux de microscopie appliqués à la neurologie. Il s'agit, semble-t-il, d'une adaptation artisanale. Ce petit objectif sans diaphragme équipait notamment les chambres "Roll-Paff-Reflex", produites de 1921 à 1933 par la firme Iaghee / Dresden. [ Jusqu'à présent, mes investigations à ce sujet s'arrêtent ici. ]
Équipement optique du microscope, tel que je l'ai acquis :
-  condenseur escamotable, réglable en hauteur, avec diaphragme excentrable,
-  oculaire n°4 sans marque et sans indication de correction éventuelle,
-  objectifs :   Carl Zeiss Jena   8x    et    50x [ 1"/7, 0.85, immersion homogène ]   +   Reichert n°3
   +    Meyer Goerlitz
Jhagee Anastigmat Trioplan 9 cm 1:6,8 n°218544

Avec un tirage de 250 mm + 160 mm [ le tube ], cet objectif photographique donne un grandissement d'environ 3,5x dans le plan du film.  [ G = t / f - 1 ]
Le Trioplan fut créé en 1916 par Hugo Meyer, sur base des calculs d’Harold Dennis Taylor en 1893 [ dont la formule fut appliquée dès l'année suivante par Cooke ].
Diverses commercialisations suivirent, en différentes focales, notamment pour l'Exakta. Ces objectifs connaissent actuellement un regain d'intérêt en raison de leur bokeh particulier. Ils se négocient plusieurs centaines d'euros sur le marché de l'occasion et la firme Meyer Goerlitz spécule sur cette réputation en proposant depuis 2014,
un nouveau Trioplan 100 mm 2.8 aux environs de 1500 euros !

2.1.1.2     Présentés à proximité du statif Carl Zeiss Jena Ic,
-  2 oculaires de cette même marque :   n°5 = 15x   et   n°4 = 45 mm, portant bizarrement l'indication d'une longueur de tube [ 160 mm ].
-  5 objectifs CZ-J encore :   "E Fluo",   Apo 16 mm,   Apo 8 mm,   un objectif à grossissement variable 1~1,5x ***   et   un petit achromat 55 mm.
***   Cet objet plutôt amusant fait penser à un ensemble vis et écrou. La formule est on ne peut plus simple :  un groupe optique ordinaire est logé dans une monture extensible par mouvement hélicoïdal ; ceci permet de modifier la longueur du tube et en conséquence, la distance de travail et le facteur de grossissement. [ La mise au point bien sûr doit être rectifiée pour chaque changement. ] 
   Ces objectifs datent environ de la même époque :  fin du XIXe siècle, début du XXe.

2.1.1.3     Présentés à l'étage inférieur, 4 autres objectifs Carl Zeiss Jena, eux aussi plus ou moins contemporains du statif Ic :
--  trois générations de l'objectif A* [ C'est son appellation. ] à grossissement variable. Il s'agit d'une optique plus sophiqtiquée que celle décrite ci-dessus. La version la plus ancienne est plus longue que les autres.
--  un Apo 4 mm avec bague de correction pour s'ajuster à l'épaisseur du couvre-objet ;
--  un 1"/12 n.A. 1.3, analogue sans doute à celui mentionné par Aloïs Alzheimer [ cfr plus haut ].

http://www.microscope-antiques.com/zeiss.html
http://www.microscope-antiques.com/bergerfine.html
http://www.quekett.org/resources/article-archive/zeiss-jug-handle-microscopes
http://www.antique-microscopes.com/photos/Zeiss_microscope_model%201c.htm