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Le
XVIIe siècle est né sur des cendres... Celles du bûcher auquel Giordano
Bruno fut condamné pour avoir affirmé l'existence d'une multitude de
mondes habités dans un univers sans limite.
Or ce siècle est celui des débuts de la microscopie.
Leeuwenhoek vint à la vie dix ans avant que s'éteigne Galilée. À peine
le ciel s'était-il ouvert sur l'infini, qu'un monde minuscule,
insoupçonné, allait s'offrir au regard effaré de la civilisation
occidentale.
On songe immanquablement au tourbillon qui a dû agiter les consciences
en cette époque, quand les frontères plus ou moins rassurantes que
l'Homme, au fil des millénaires, s'était imaginées être celles de son
existence se sont soudain évanouies, malmenant toute certitude. Alors,
d'aucuns se sont réfugiés dans une croyance obstinée ; d'autres ont
souffert le doute ; d'autres encore sont partis à la découverte...
Et la science a progressé sans répit. Aujourd'hui, l'Homme a foulé le sol lunaire,
envoyé des engins automatisés au-delà du système solaire ; à l'aide
d'antennes sophistiquées, il écoute les bruits de l'univers profond ;
l'œil rivé à l'oculaire ou à l'écran, il observe les mécanismes cellulaires
; il asservit des bactéries et des virus ; il manipule les gènes qui
régissent la structure et le comportement du vivant ; grâce à des accélérateurs kilométriques, il provoque de
fantastiques collisions, dans des espaces incroyablement réduits,
mettant en évidence des particules toujours plus petites – si "petites"
qu'on ne leur reconnaît plus de volume ni de masse au sens ordinaire –
jusqu'à vérifier l'existence du boson BEH... [ Vous vous souvenez ? En 2013, François Englert, de l'ULB, a reçu le prix Nobel de physique avec Peter Higgs. L'année précédente, leur modèle théorique de 1964 avait été confirmé expérimentalement au CERN. ]
La connaissance de la matière s'est à ce point affinée que pour ne pas
devoir renoncer à un vocabulaire séculaire, ancré dans les esprits, on
utilise sans scrupule des expressions paradoxales comme particules subatomiques [ l'atome
étant étymologiquement "insécable" ]. Au bout d'un siècle de
maturation, la théorie quantique trouve un champ d'application dans
toutes les disciplines. On considère davantage de dimensions que les
trois ou quatre connues depuis toujours, tandis qu'on met en question
le concept même du temps qui passe.
S'il y a certes toujours du mystère, l'Homme est maintenant confiant
dans la démarche scientifique. Le doute en est la clé mais c'est le
doute méthodique, pas un doute inquiet tel que celui survenu quand les
naïves connaissances moyenâgeuses furent ébranlées par les révélations
de la lunette astronomique et du microscope. Du moins voudrait-on le
penser... N'entend-on pas dans les mots "progrès", "progresser", l'idée
– un peu confuse, il faudra bien l'admettre – qu'on sait vers quoi on
va ?
Voilà
qu'en ce début de mois d'octobre 2017, le prix Nobel de physique est
attribué à Raider Weiss [ Allemagne ], Barry C. Barish [ USA ] et Kip
S. Thorne [ USA ] pour l'observation d'ondes gravitationnelles ; celui
de chimie est décerné à Jacques Dubochet [ Suisse ], Joachim Frank [
Allemagne ] et Richard Henderson [ Écosse ] pour leur apport en
cryo-microscopie électronique. Astronomie et microscopie modernes ont
encore repoussé les limites de... l'inconnu. Plane un parfum de XVIIe siècle.
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