Giordano Bruno

Astronomie... Microscopie ?




Le XVIIe siècle est né sur des cendres... Celles du bûcher auquel Giordano Bruno fut condamné pour avoir affirmé l'existence d'une multitude de Terres et de Soleils dans un univers sans limite.
Quelques zones d'ombre subsistent dans ce que l'on sait de la vie et la mort de Filippo Bruno, né au pied du Vésuve, en 1548, sous l'autorité espagnole.
Pour résumer brièvement :  il étudie le latin, les auteurs classiques et s'imprégne de culture humaniste ; à l'université de Naples, il apprend la "mnémotechnique" et en 1565, il entre dans un couvent dominicain où il rencontre Giordano Crispo, maître en métaphysique, dont il adopte le prénom. Bruno est ordonné prêtre mais il s'intéresse aux pensées d'Érasme, à la cosmologie, à la magie, s'écartant ainsi de la doctrine de l'Église. Défroqué, excommunié, il erre en Europe :  Gènes, Venise, Padoue, Genève [ centre calviniste ], Toulouse, Paris, où il publie un traité sur la mémoire qui plaît à Henri III. D'autres œuvres suivent. Puis Bruno se rend en Angleterre mais l'université d'Oxford [ aristotélicienne ] lui ferme ses portes car il défend les idées de Copernic. Il enseigne alors à Wittenberg [ ville de Luther ], à Prague, à Francfort. Partout ses idées dérangent. [ Il s'est aussi fait excommunier par les calvinistes et par les luthériens. ]
Giordano Bruno se déclare "philosophe"... 
Au XVIe siècle, les sciences de la nature étaient encore appelées "philosophie naturelle", ce qui englobait les modernes biologie, chimie, physique, incluant l'étude des astres et de l'univers.
Pour mettre fin à ses pérégrinations, Bruno tente d'obtenir une chaire de mathématiques à l'université de Padoue. En vain. [ On lui préfère Galilée. ] Il se laisse donc inviter comme professeur privé par un jeune noble vénitien... qui le dénonce à l'Inquisition.
Enfermé à Venise en 1592, Giordano Bruno est extradé l'année suivante vers les geôles vaticanes. Au total, son procès dure huit années pendant lesquelles les chefs d'accusation s'accumulent. Parmi ses juges, le cardinal Bellarmin ('). Mais Bruno, ne cède pas à la torture. Il argumente que « Dieu se glorifie non pas dans un mais dans d'innombrables Soleils, non pas dans une Terre, un monde, mais dans une dizaine de centaines de milliers, je dis une infinité » (²).
Condamné à mort, entre autres pour hérésie et blasphème, Giordano Bruno monte sur le bûcher le 17 février 1600, place des Fleurs, à Rome, où se dresse aujourd'hui une statue à sa mémoire. Comme il refuse encore de se rétracter, la sentence est exécutée
:  il est brûlé vif.
(')  À noter que sous des prétextes spécieux, l'Église ne veut toujours pas réhabiliter Giordano Bruno... alors que Bellarmin a été béatifié en 1923 et canonisé en 1930 !
Les 38 œuvres de Giordano qui nous sont parvenues sont diverses :  des traités de mnémotechnie, de cosmologie, de magie, de philosophie ainsi qu'une comédie. 
(²)  Dans L'Infini, l'univers et les mondes ( 1584 ), la notion d'infini est centrale. [ Le De natura rerum de Lucrèce était réapparu au XVe siècle... ]  C'est dans le deuxième dialogue de cette œuvre qui en compte cinq, que Bruno déclare, par le biais de son personnage Filoteo :  « diciamo che son terre infinite, son soli infiniti, è etere infinito ».
Si la pensée visionnaire de Giordano Bruno s'épanouit dans l'immensité de l'univers, il développe aussi sa conception de la "monade" [ constituant minimal, indivisible, des choses matérielles et spirituelles ], bien qu'ignorant sans doute tout du micromonde...
Bientôt, les deux infinis vont se rencontrer.
Quelques références : 
   Giordano Bruno : L’Univers, les Mondes et Dieu, Conceptions d’un esprit impertinent du XVIe siècle, Maureen Gar, mémoire de master 1 de philosophie, Aix-Marseille Université, 2015~16
   Giordano Bruno, un visionnaire du XVIe siècle, Benoît Mély, BT2N 24, ICEM - Pédagogie Freinet, Nantes, 2000
   Giordano Bruno : Hidalgo de l’univers infini, Jean-Paul Beaumier, Nuit blanche n°44, 1991
   Giordano Bruno, Brigitte Boudon, Maison de la Philosophie, Marseille, 2017~18
   Réhabiliter Giordano Bruno, Jacques Attali, Le Monde, 17/02/2000
Davantage cfr bibliographie dans Girdano Bruno / Wikipédia...

Et de fil en aiguille :

L'illustration en couverture du livre que Jean Rocchi consacre à Giordano Bruno – La vie tragique du précurseur de Galilée, éd. André Versaille, 2011 – est un fragment de L'Astronome, tableau attribué à Johannes Vermeer vers 1668, actuellement conservé au musée du Louvre.
Du personnage, on ne voit plus que les mains. Un choix esthétique ?  [ Pas sûr que Vermeer apprécierait. ;o) ]  Intention symbolique de l'éditeur, que placer le globe céleste – Il ne s'agit pas d'un globe terrestre. – au centre de l'image ?  Ou souci d'un autre ordre ?
Le modèle qui a servi au peintre et qui manifestement a aussi posé pour Le Géographe [ œuvre du même artiste, d'inspiration très semblable, conservée au Städelsches Kunstinstitut / Frankfurt am Main ] serait... Antoni van LEEUWENHOEK !
C'est en tout cas ce que considèrent la plupart des historiens de l'art, sur base d'analyses fouillées, même si quelques doutes ont été émis.
Quoi qu'il en soit, Vermeer, comme Leeuwenhoek, est né en octobre 1632, en ce XVIIe siècle que Bruno n'a pas connu.
En dépit de l'ambiance de l'intérieur représenté, qui peut faire illusion, un anachronisme se cache donc dans la couverture du livre.

















Baruch Spinoza, lui, fut bien contemporain de Vermeer et de Leeuwenhoek.
Il en sera question ailleurs...